Développement

Limbé: un énorme potentiel économique.. PDC

Au centre du département du Nord, la situation géographique, et la configuration physique de la commune de Limbé en font un centre économique naturel.Sa proximité du Cap-Haïtien, loin de lui porter ombrage, en fait le déversoir des excédents de la métropole du Nord, de plus en plus congestionnée.
Relais stratégique, sur la Nationale numéro 1, pour tous les camionneurs, Limbé est devenu, au fil du temps, un lieu de rencontre et de ravitaillement pour les commerçants des communes avoisinantes comme Pilate, Plaisance, Bas-Limbé, Port-Margot, l'Acul du Nord et les autres localités de moindre importance.
Riche, boisée et fertile, la région est agricolement assez bien exploitée. Sa production rizicole et ses bananeraies sont extrêmement importantes pour la région septentrionale du pays. Malheureusement, le manque, sinon l'absence totale, d'agro-industrie crée des limitations à une exploitation maximale de ses ressources.
Il est à envisager que, si le développement de la région continue au même rythme, Limbé devienne, tout simplement, la capitale économique du Nord, phénomène dont le processus est accéléré par la dégradation rapide et la bidonvillisation à outrance de la ville du Cap-Haïtien, seule et unique concurrente valable du Limbé.

Urbanisme
Ce développement s'accompagne de son cortège de problèmes qui devraient être gérés à la base.
La ville, déjà confrontée à des problèmes d'infrastructures, s'étend sans planification aucune. Cette extension ne peut qu'augmenter les problèmes existants et en générer d'autres.Le manque de canalisation se fait cruellement sentir, surtout en période de pluie quand la rivière du Limbé est en crue. La ville est alors complètement inondée au point que la circulation automobile est carrément impossible. Des jardins et des maisons sont généralement détruits. De plus, il n'existe aucune structure physique, réellement solide, capable de faciliter la protection des citoyens, en dépit de l'existence d'une commission communale de protection civile qui s'occupe de prévention et de l'organisation des secours en cas de désastre naturel.
Dans cette ville dont la population augmente à la vitesse « grand V », la gestion des déchets devient, de plus en plus, une préoccupation majeure pour une municipalité qui n'a aucun moyen de gestion de l'insalubrité grandissante. Elle ne dispose même pas d'un camion pour la collecte des ordures ménagères alors que la population de la commune a déjà franchi la barre des cinquante mille habitants.
Le marché communal est dans un état pitoyable. En période de pluie, c'est dans une vraie porcherie que le Limbéen fait son marché.S'il n'existe aucun problème réel au niveau de la distribution de l'eau, l'électricité semble absente de la vie de cette communauté qui a appris à s'organiser tant bien que mal pour ne pas trop souffrir de cette privation d'énergie. Il n'y a pas de centrale électrique au Limbé qui dépend, pour ce service, entièrement du Cap-Haitien qui, lui-même, n'arrive pas à subvenir à ses propres besoins.
Il n'existait que trente-deux lignes de téléphone, dans le temps, qui, aujourd'hui, ne servent plus à rien. Seuls les téléphones portables permettent de sortir Limbé de l'isolement.
Limbé est l'exemple type des villes victimes de la centralisation à outrance pratiquée par Port-au-Prince. Une ville aussi importante, économiquement et stratégiquement, devrait bénéficier d'une certaine autonomie et d'une attention spéciale de l'autorité centrale qui gagnerait à en faire une ville modèle avec toutes les infrastructures urbaines. Un travail relativement facile si l'on tient compte de son tracé actuel et de ses avantages topographiques. La ville est construite sur une surface plane avec une légère pente qui permettrait l'écoulement naturel des eaux usées à travers un réseau d'égoûts ou de canaux.
Vie culturelle
La jeunesse limbéenne arrive à se créer des activités saines, sportives et culturelles, malgré le manque évident de terrains de jeu et d'espaces récréatifs. La bibliothèque Georges Castera joue un rôle important dans la vie sociale de la ville ainsi que les quatre stations de radio qui organisent, sur une base plus ou moins régulière, des activités récréatives et culturelles : Radio Symphonie, Radio Concorde, Radio Jupiter et RTL (Radio Télévision Limbéenne).
Il existe plusieurs salles de cinéma et au moins quatre discothèques qui sont très fréquentées. La vie nocturne est assez dense en dépit du manque d'électricité. Pourtant, il n'existe que deux restaurants dignes de ce nom et un seul hôtel.
Education
Au niveau de l'éducation, s'il y a beaucoup de lacunes à combler, Limbé est quand même bien loti. Il y a de nombreuses écoles primaires, secondaires et professionnelles. Il existe même une université : l'Université Chrétienne du Nord d'Haïti (UCNH), qui offre une formation sérieuse dans divers domaines tels que la gestion, la théologie, l'agronomie.
Il est à noter toutefois que les bâtiments logeant bon nombre de ces écoles sont dans un état lamentable. Mal aérés, trop exigus, ils sont loin d'offrir aux élèves le minimum de confort auquel ils ont droit.
Santé
Deux hôpitaux offrent leurs services à la communauté, ce qui est déjà une chance pour les Limbéens quand on pense à ce qui se passe ailleurs. Malheureusement, des dissensions internes ont provoqué ces derniers jours un dysfonctionnement de l'Hôpital Bon Samaritain. En dépit de tout, les soins sont fournis régulièrement dans les deux hôpitaux.L'Université Chrétienne du Nord d'Haïti (baptiste), dont le campus est situé en dehors de la ville possède, elle aussi, un centre hospitalier qui fonctionne pratiquement tous les jours.
Justice
Dossier délicat partout dans le pays, le système judiciaire l'est aussi à Limbé. De nombreux citoyens se plaignent de la façon dont la justice est rendue. D'autre part, de l'avis de plus d'un, il serait temps de doter la commune d'un tribunal de première instance.
Exode rural et bidonvillisation
La commune du Limbé subit actuellement les conséquences immédiates de l'exode rural, résultante de la centralisation économique régionale et nationale. La ville commence à être encerclée de bidonvilles, ce qui accélère la dégradation de l'environnement urbain et l'augmentation de la pauvreté, laquelle est génératrice de délinquance, d'insécurité.
Le taux élevé de chômage dans les autres communes de la région pousse la population rurale à imigrer au Limbé qui, inconsciemment, fait miroiter le miroir aux alouettes de sa réussite économique pourtant relative et fragile.
Quand on voit ce qu'est devenu le Cap-Haïtien, il est légitime de s'inquiéter du sort du Limbé qui risque de ne pas tenir ses promesses, faute d'encadrement et de planification.
Plaidoyer
Limbé est vierge. Tous les investissements sont à faire. Bien qu'étant une ville importante, Limbé a gardé sa ruralité. Sans supermarché, sans centre d'achat, sans réfrigération, la ville attend des investisseurs et entrepreneurs capables de changer l'approche archaïque des commerçants traditionnels qui tiennent le marché, un marché qui doit être ouvert aux investissements externes et aux nouvelles technologies, ce qui implique une rationalisation des services de base comme l'électricité, les télécommunications, etc.
La production agricole pourrait être améliorée ainsi que l'aviculture, l'élevage et la pisciculture. Cette amélioration est possible et le marché existe déjà puisque la demande est réelle et est satisfaite, depuis Dajabon, par la production dominicaine. La volaille, les oeufs, les saucisses, le savon, le spaghetti, la pâte de tomate, les détergents et autres produits viennent de la république voisine alors qu'il est possible de tout produire dans le Nord.
Les zones de Limbé, de Plaisance, de la Plaine du Nord, pour ne citer que celles-là, peuvent répondre aux besoins de la population du Nord. Alors, pourquoi importer ?
Le nord d'Haïti qui, dans le temps, exportait son sucre, avec l'usine sucrière Welh, est réduite à en importer pour ses besoins. De vastes parcelles de terre sont abandonnées et inexploitées.
La commune du Limbé ne vit, cependant, que de l'agriculture. Il n'existe aucune industrie, aucune manufacture. Le taux de chômage pourrait être réduit si les ressources de la région étaient rationnellement exploitées.

La rivière, au lieu d'être une source de malheur, pourrait être utilisée pour l'irrigation et l'électrification de la région.
Limbé est une ville qui a un potentiel extraordinaire, une ville à laquelle il faudrait un conseil communal solide et dynamique qui aurait aussi le pouvoir de coercision nécessaire pour la mise en application d'un vrai programme de développement et d'urbanisation.

Patrice-Manuel Lerebours